Clean Label : les produits estampillés séduisent davantage les consommateurs
Aujourd’hui, David Garbous, fondateur de Transformation Positive, et ancien directeur marketing de Fleury Michon, fait le point sur les démarches Clean Label. Il rebondit sur les propos d’Anne-Françoise Ravalet, spécialiste Développement Nouveaux Business & Communication, chez Daymon Worldwide, qui était intervenue sur cette question au SIAL Paris 2018 lors d’une conférence Alternative Food Forum.
Anne-Françoise Ravalet parlait l’an dernier au SIAL d’un consommateur holistique, vous retrouvez vous dans cette définition ?
Les consommateurs ont acquis une finesse de compréhension des enjeux extrêmement fine ces dernières années. Souvent paradoxalement à la faveur de crises qui leur ont fait prendre conscience que tous les produits ne se valaient pas, même si les emballages se ressemblaient. Dans un contexte où aucune question ne se pose sur la sécurité sanitaire, l’achat malin consiste en effet à acheter le moins cher possible. Quand cette certitude est battue en brèche, c’est une véritable opportunité pour les entreprises de mieux faire valoir leurs différences.
Dans ce cas les consommateurs sont-ils prêts à payer plus cher pour cette différence ?
Ils le sont, j’en suis même sûr et je l’ai constaté sur plusieurs marchés. S’ils sont convaincus de la valeur ajoutée ou de la différence mise en avant sur l’emballage, l’écart de prix leur paraît justifié. Sur le marché de la charcuterie, par exemple, qui est un marché mature, les produits qui sont en plus forte croissance sont ceux qui mettent en avant ce type de promesse, comme le bio, le label rouge, le Sel réduit, le Sans OGM et sans antibiotiques ou le ZéroNitrite. L’ensemble de ces segments (qui représentent tout de même plus de 50 % du marché) affichent une croissance moyenne de 10 % par an dans les 3 dernières années alors que l’ensemble du marché recule de 2 à 3 %.
Au fond la question du prix est-elle la bonne question ?
Je ne pense pas qu’il faille regarder uniquement le prix de vente. Il traduit une partie de la réalité économique, mais il ne traduit pas nécessairement, voire pas du tout, le vrai prix du produit. Par exemple, on sait que les dépenses de santé liées à une alimentation déséquilibrée (diabète, obésité, hypertension, …) sont de 40 Md d’€ rien qu'en France. C’est un coût pour la société et pour chaque consommateur. Il n’est pas payé au moment du passage en caisse, mais il est payé plus tard. Si on intégrait ne serait-ce qu’une partie de ces 40 Md pour améliorer la qualité nutritionnelle des produits, on aurait certes un prix à l’achat plus élevé, mais on éviterait des frais de santé ultérieurs. On pourrait raisonner de la même façon pour le coût de la dépollution de l’eau ou pour le plastique : c’est actuellement la matière première la moins chère pour emballer par exemple, mais nous nous sommes rendus compte récemment combien son coût pour l’environnement et la biodiversité était majeur. Là aussi, il faut que nous raisonnions de manière holistique.
Comment rétablir la confiance avec les consommateurs et les citoyens ?
Il faut d’abord accepter que rien ne va plus leur échapper, comme le disait Anne-Françoise Ravalet. Ensuite, il faut accepter de leur raconter toute l’histoire. La vraie et pas uniquement la belle histoire. Car c’est l’authenticité, la sincérité des propos qui permettent de renouer le lien de confiance. C’est comme en amour. Il n’y a que des preuves de confiance. Et cela signifie accepter de dire qu’on n’est pas parfait, qu’on a encore (parfois beaucoup) de travail à faire. Mais on est plus crédibles quand on pose les choses comme cela que si on essaie de présenter notre meilleur regard en mettant sous le tapis ce qui nous gêne. Personne ne reprochera à une entreprise de ne pas avoir toutes les solutions ici et maintenant. En revanche, on lui reprochera toujours de ne pas prendre ses responsabilités et de ne pas essayer de changer si elle a conscience d’un problème. Ce n’est pas ce qu’on nous a appris en communication (on ne communique pas tant qu’on n’est pas parfait) et c’est aussi ce que je veux changer avec le lancement du Master Communication et Marketing Responsable avec l’ISC Paris à partir de la rentrée prochaine.
Anne-Françoise Ravalet expliquait que les millenials étaient particulièrement sensibles à ces sujets. Sont-ils si différents ?
Ils sont extrêmement exigeants et c’est une bonne nouvelle pour nous tous. Pas nécessairement pour les entreprises qui vont minimiser leurs exigences, mais pour le bien commun. Néanmoins, j’entends souvent dire que les générations qui arrivent ne referont pas nos erreurs, sont mieux éduquées et préparées pour mieux consommer. C’est vrai. Mais ça ne doit surtout pas nous dédouaner de prendre nos responsabilités ici et maintenant. Nous, la génération des quarantenaires, qui sommes aux commandes des organisations, avons la responsabilité inouïe et historique d’accélérer leur transformation. Si nous ne le faisons pas, les millenials ne pourront plus rien faire dans 15 ans. Il est urgent de ne pas attendre.
Etes-vous optimiste pour l’avenir ?
Je suis résolument optimiste car je ressens que la prise de conscience de l’urgence irrigue toute la société. Je pense que le Covid a accéléré ce sentiment de fragilité et qu’on n’est jamais aussi agile que lorsqu’on se sent menacés. Nous avons recensé plus de 30 initiatives remarquables prise par les entreprises pendant cette crise avec Olivier Dauvers et Philippe Goetzmann ici :
Certaines d’entre elles sont déjà devenues des nouveaux standards. Nous avons été capables de changer en 8 semaines des choses que nous n’étions pas parvenus à bouger en 8 ans. Il faut conserver ce sentiment d’urgence. C’est en pensant à la planète que nous voulons laisser à nos enfants que nous allons trouver l’énergie de changer les choses immédiatement. Il faut y penser et y repenser chaque jour.
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